AVERTISSEMENT : Cette publication comporte des passages choquants sur les abus ayant été commis sur des enfants au sein des pensionnats. Nous préférons vous en avertir.
La première collaboration du Carrefour 50+ avec le Counsil of Senior Citizen’s organization (COSCO) s’est tenue le 28 septembre sur le thème de la réconciliation avec les Premières Nations. Cette rencontre émotivement chargée a permis aux personnes participantes de s’éduquer sur ce pan sombre de l’histoire canadienne.
Connaître la vérité : Elder Eddy Charlie
Pour bien faire passer le message, l’aîné Eddy Charlie a été invité à partager son histoire. « J’ai été enlevé à ma famille et mis en pensionnat à un très jeune âge. J’ai subi de l’abus mental et physique, j’ai mangé de la nourriture avariée, parfois qui contenait des vers… », a-t-il lâché en guise d’introduction.
J’ai aussi été abusé sexuellement, tellement de fois que je ne les comptais plus. Les fillettes, elles, ont été violées et mises enceintes. Plusieurs ont subi des avortements barbares, et plusieurs en sont mortes » a-t-il laissé tomber entre deux soubresauts de larmes.
Eddy Charlie a vécu au pensionnat de Kuper Island, surnommé le Alcatraz des pensionnats. « J’ai vu des enfants essayer de se sauver à la nage et ne jamais revenir. J’ai vu des fillettes essayer de s’enfuir en bateau de fortune… combien se sont rendues à la rive ? »
Eddy Charlie affirme que tout ce qu’il a vécu là-bas a détruit beaucoup de choses en lui. « J’y ai perdu ma langue, ma culture, mes valeurs. Mais surtout, lorsque je suis revenu dans ma communauté, j’ai été un monstre et j’ai continué la destruction de celle-ci à cause de mon alcoolisme, que j’ai acquis à l’âge 11 ans. L’alcool m’aidait à oublier les horreurs que j’ai vécues. »
Selon lui, il faut savoir qu’il existe une culture du silence dans les communautés autochtones sur les pensionnats. « J’ai tant haï mes parents et mes grands-parents qui ne m’ont pas sauvé, qui ont laissé faire ces atrocités. Mais aujourd’hui, je peux affirmer que j’aurais préféré y mourir. J’ai honte de ce que j’ai fait vivre à ma communauté. J’ai causé beaucoup de dommages. J’ai été un modèle médiocre pour des enfants qui sont aujourd’hui alcooliques. Je me réveille souvent la nuit, et je vois un prêtre au-dessus de moi. C’est ma vie, c’est mon sort, c’est ma réalité. »
La vie d’Eddie Charlie semble effectivement empreinte d’une douleur constante. « Chaque fois où je raconte mon vécu, je prends un risque. J’ai arrêté de boire il y a 28 ans, mais j’ai peur qu’un jour, quelqu’un me pose une mauvaise question et que je rechute, et que je recommence à faire du mal autour de moi. »
Des conséquences générationnelles
Dans une présentation qui a suivi celle d’Eddy Charlie, l’aînée Sandra Glendale a présenté la Loi sur les Indiens en changeant le mot « Indiens » par « francophone ». L’effet de choc a été instantané. Cette façon de présenter cette loi rétrograde a mis en lumière les injustices qui affectent les Premières Nations, injustices qui sont à ce jour enchâssées dans la Loi. « Saviez-vous qu’une femme perdait son statut d’indien si elle mariait un homme blanc ? Vous avez de l’eau potable. Vous êtes chanceux. Certaines de nos communautés n’ont pas cette chance. Vous pouvez parler votre langue. Vous êtes chanceux. Moi je ne connais pas ma langue maternelle, ma mère ne l’a pas apprise, car elle en avait honte. »
Pour terminer, Jamie Gentry, la fille de Sandra Glendale, a servi un rappel aux Canadien.nes qui souhaitent connaître l’histoire des pensionnats. « C’est bien de s’éduquer pour une journée, mais cela devrait durer toute l’année. Et surtout, la charge émotive associée au partage de nos vécus ne devrait pas retomber sur nos épaules. Ce n’est pas à nous d’expliquer aux Canadien.nes comment nous devrions être traités », s’est-elle offusquée. Comme elle l’a laissée savoir, il est traumatisant de partager son vécu, cela laisse souvent des plaies béantes qui restent ouvertes pour plusieurs jours.
Cette dernière s’est également dite insultée par le projet de Loi 96 du Québec qui vise à protéger le français sur le territoire québécois. « Ce n’est même pas la langue traditionnelle de ces terres! C’est douloureux pour nous de voir que le français est une priorité au Canada plutôt que les langues indigènes. Il faut réfléchir plus profondément à ce qu’on demande aux gens en cette Journée de Vérités et réconciliation ».