Cette Bruxelloise qui a perdu sa mère très jeune et son père quelque temps après que la guerre de 14 fut déclarée, n’a pas résisté à l’aventure de venir au Canada, après avoir souffert les 4 années d’occupation allemande. Sa sœur et son mari, sur les instances de son frère qui y demeurait déjà depuis plusieurs années ont décidé de venir s’y installer.
Elle partit donc avec eux et, après un séjour de 2 ans à Le Pas, au nord du Manitoba, elle retourne à Bruxelles. Mais pas pour longtemps. Une invitation pour aller trapper dans le grand bois la ramène dans notre grand pays, et ce, définitivement. Elle vivra 20 ans à Le Pas, les raquettes aux pieds, tirant ses chiens sur les lacs gelés et chassant afin d’assurer sa survie.
En 1926, elle épouse Marcel Manez. Mais cet homme, qui représentait alors les traits de l’amour, l’abandonne un jour, non seulement enceinte avec un jeune enfant, mais dans la pauvreté la plus complète. L’argent des hypothèques de ses 2 villas en Europe, qui représentait 20 000 francs, envolé avec le mari qui en avait déjà dilapidé une bonne partie aux jeux. Avec quarante dollars en poche, elle offre des cours de violon aux enfants du voisinage. La rentrée d’argent est faible. Pendant des mois, matin, midi et soir, elle se nourrira de flocons d’avoine qu’elle avait achetés dans un gros sac et qui étaient alors destinés à ses chiens qui, eux aussi, disparurent un jour mystérieusement. C’est la dépression ! Le pays est froid. Avec le peu d’argent amassé, elle achète du bois pour se chauffer. Trop orgueilleuse, elle tait ces dures épreuves et pleure en silence la perte de son chez-soi en Europe. « Ça fait mal », dit-elle dans un souffle.
Mais la vie ne l’abandonne pas. Neuf années plus tard, en 1940, elle rencontre un homme d’affaires qui possède un commerce de gros. Désiré de Trémaudan, avec qui elle s’unira par les liens du mariage. Elle vivra avec lui jusqu’à sa mort, en 1988, alors qu’il lui restait 4 mois pour atteindre son 100e anniversaire. C’est avec lui, en 1943, qu’elle découvre Victoria, lors d’un voyage de vacances. Coup de foudre !
Au Manitoba, l’hiver battait son plein tandis qu’à Victoria, en C.-B., on se prélassait sur les plages ! Plus question de partir, ou du moins, il fallait tenter d’acheter une propriété afin d’avoir un pied à terre dans cette belle ville canadienne. Leur désir est comblé. Trois semaines plus tard, ils achètent une maison et retournent ensuite au Manitoba.
Un autre hiver rigoureux à cet endroit met fin à leurs dernières résistances. Ils déménagent à Victoria où ils s’installent finalement. C’est au même moment que son violon se tait. Elle ne veut plus enseigner, elle veut enfin se reposer. « Mon violon dort depuis », dit-elle. Les années passent et c’est à l’âge de 72 ans qu’elle se découvre un talent d’écrivain : « Pourtant, j’avais de si mauvaises notes en littérature. Mon mari ne m’encourageait pas non plus, il me disait, c’est pas pour toi les fruits du cerveau, retourne à ton fourneau. »
Heureusement pour nous, elle n’a pas suivi ses conseils. Elle écrira et nous surprendra avec son livre Au nord du 53e dans lequel elle y raconte les pionniers, les débuts d’une civilisation, le froid, l’absence de confort, puis, elle publiera En vers et contre tous, un recueil de poésies et finalement, Amour et ténèbres. Un second recueil de poèmes bilingues cette fois devrait être publié dans les jours qui suivent.
Madame Berthe de Trémaudan est remplie de vivacité d’esprit. Elle est colorée, joyeuse, humoristique. Quand elle ne joue pas de la plume, elle travaille sur ses collections de timbres qui sont si bien faites qu’elles ont recueilli de nombreux prix des clubs de philatélie de la région.